Dans les expériences de physique des hautes énergies, une grande partie des systèmes instrumentaux utilise la technologie des détecteurs en silicium. Ces détecteurs sont capables de fournir une localisation très précise du point de passage des particules qui le traversent. Typiquement, ils offrent une résolution en position de l'ordre de la dizaine de microns. Ils font ainsi partie intégrante du dispositif de trajectographie de ces expériences. Il existe plusieurs types de détecteurs en silicium. On peut citer notamment les détecteurs à micropistes, les détecteurs à pixels et les détecteurs à dérive.
Les exemples de leur utilisation sont nombreux dans les expériences du LEP, du Tevatron, de PEPII et celles en préparation au LHC. Depuis dix ans, les technologies employées ont considérablement évolué pour s'adapter aux besoins spécifiques de chaque expérience. De même, la réalisation du cylindre de détecteurs en silicium à micropistes qui équipera le détecteur STAR a nécessité de suivre une démarche d'innovation technologique, destinée à trouver les solutions qui répondaient le mieux, en terme de trajectographie essentiellement, aux exigences de la physique des collisions d'ions lourds ultra-relativistes au RHIC.
Dans un premier temps, nous allons décrire de manière très générale les principes fondamentaux de la détection de particules et de la trajectographie dans les détecteurs de la physique des hautes énergies sur collisionneur. Afin d'illustrer ces principes, nous avons choisi l'exemple de l'expérience BABAR. Après une brève description de l'ensemble instrumental qui compose le détecteur, nous tenterons de mettre en évidence les solutions technologiques utilisées pour le trajectographe interne.
La physique des collisions d'ions lourds est très éloignée du point de vue des observables recherchées de la physique des particules mais proche au niveau des outils de trajectographie et d'identification utilisés. C'est ce que nous tenterons de préciser de manière qualitative en consacrant une partie de ce chapitre à la recherche du Plasma de Quarks et de Gluons dans les collisions d'ions à hautes énergies. Nous pourrons ainsi définir les conditions expérimentales attendues et les besoins subséquents au niveau instrumental. Une fois de plus, nous nous appuierons sur un exemple concret (l'expérience WA97) de l'utilisation des détecteurs en silicium (pixels et micropistes) pour la trajectographie dans un environnement très dense en particules chargées.
Grâce au RHIC et prochainement au LHC, la physique des ions lourds accède au mode collisionneur. Cela nécessite la construction de nouveaux détecteurs, pour lesquels la transposition directe des systèmes utilisés en physique des particules ou dans les expériences d'ions lourds sur cible fixe du SPS n'est pas réalisable.
Nous allons dans cette partie focaliser notre attention sur les détecteurs des expériences installées sur collisionneur.
La trajectographie a pour but d'associer les positions données par les détecteurs en réponse au passage des particules. Les différentes étapes de la trajectographie peuvent être identifiées comme suit :
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En général, la trajectographie est réalisée par au moins deux détecteurs de type très différents. Un détecteur à gaz de grand volume permet de disposer d'un grand nombre de points d'impact pour une particule tout en ayant l'avantage de minimiser l'épaisseur de matière (et par conséquent les phénomènes de diffusion). Notons ici que la contrainte de minimiser l'épaisseur de matière présente sur le parcours des particules est vraie quelque soit leur type. De plus, un détecteur à gaz permet une mesure de la perte d'énergie de la particule en chaque point d'impact et donc l'identification des particules. En revanche, ce type de détecteur a une résolution en position de plusieurs centaines de microns et ne peut être utilisé pour le vertexing. Ce sont les détecteurs en silicium, grâce à leur excellente résolution en position, qui sont utilisés pour le vertexing.
L'une des difficultés majeures de la trajectographie consiste à associer les informations provenant de ces deux détecteurs : les traces reconstruites dans le détecteur à gaz aux points (ou aux mini-traces reconstruites) du trajectographe interne. Pour résoudre ce problème, nous pouvons imaginer, soit d'ajouter un détecteur intermédiaire (c'est le cas de DELPHI au LEP), soit de minimiser la distance entre les deux systèmes de détection (BABAR).
La plupart des détecteurs installés sur collisionneur possèdent une géométrie, commune sur de nombreux points, dictée par le souci d'être le plus hermétique possible, i.e. de détecter le maximum de particules issues de la collision. Les détecteurs forment des cylindres concentriques. Une couverture azimutale complète ainsi que la couverture du domaine de rapidité centrale () est ainsi assurée. Eventuellement des détecteurs en forme de disque viennent fermer les extrémités des cylindres (bouchons) couvrant ainsi le domaine de rapidité
1.
Nous pouvons voir sur la figure 1.2 l'illustration des principes énoncés dans la section précédente.
Au plus proche du point de collision, nous trouvons le trajectographe interne composé de plusieurs couches cylindriques de détecteurs en silicium. Ensuite, un détecteur à gaz de grand volume qui constitue l'outil principal de trajectographie. Cependant, certaines particules n'atteignent pas le volume de détection du détecteur à gaz et cela a des conséquences sur la disposition des couches du trajectographe interne, qui doivent alors assurer seules la trajectographie.
Les systèmes de détection les plus externes sont les détecteurs de temps de vol (TOF), les détecteurs utilisant l'effet Cherenkov qui séparent et identifient des particules possédant des impulsions élevées et en dernier lieu les calorimètres.
Les rayons R
et R
(voir Fig. 1.2), qui délimitent le détecteur de vertex, sont corrélés à la précision que l'on souhaite obtenir sur le vertex primaire et les vertex secondaires des particules (instables) émises. Plus la distance R
est faible, plus la précision obtenue sera grande. En contrepartie, la densité de points d'impact augmente (en suivant un loi
) et certaines traces, trop proches, peuvent devenir indiscernables. La distance R
est déterminée par le nombre de couches (cylindres) de détecteurs en silicium qui composent le trajectographe interne et leurs espacement relatif (trajectographie dédiée aux particules qui n'atteignent pas les autres systèmes de détection).
Les distances (R-R
) et (R
-R
) définissent respectivement l'espace entre le détecteur
à gaz et le trajectographe interne et le volume du détecteur à gaz. La valeur de R
est conditionnée par les problèmes d'intégration et par la densité maximale de traces acceptable dans le détecteur à gaz.
Le volume du détecteur à gaz (qui détermine les rayons R
et R
), ou plus exactement le nombre de points d'impact (mesure de la position et de la perte d'énergie) que ce détecteur pourra fournir est choisi en fonction de la résolution relative sur la perte d'énergie et sur la mesure de l'impulsion. Les valeurs caractéristiques que l'on peut obtenir sont (
) inférieure à 10% et (
) de l'ordre de 2 à 3 %.
Ces dernières valeurs dépendent bien sûr des performances de Physique que l'on souhaite atteindre. L'efficacité de la reconstruction des traces est reliée à l'intensité du champ magnétique utilisé : plus le champ est fort, plus la trace est courbée influençant simultanément le rayon des couches de détection et l'acceptance en impulsion. Dans un champ magnétique faible, il faut reconstruire la trace sur des distances plus grandes afin de d'obtenir une bonne résolution en moment : dans ce cas, la longueur de radiation des systèmes de détection devient le paramètre critique.
Du point de vue technique, il est clair que, pour une acceptance en rapidité fixée, les surfaces et les volumes de détection vont augmenter proportionnellement aux valeurs des différents rayons. La granularité très élevée des détecteurs en silicium, qui leur procure leur excellente résolution en position, conduit rapidement à un très grand nombre de voies électroniques quand leur taille augmente. La complexité du système est aussi fortement dépendante de sa taille, à travers sa construction d'une part et d'autre part en raison des systèmes nécessaires pour son fonctionnement (lecture des données, contrôle, refroidissement, etc ...).
Il faut mentionner également le facteur financier qui limite généralement la taille et/ou le nombre des systèmes de détection.
Pour illustrer ces caractéristiques générales, nous allons maintenant décrire un ensemble de détecteurs en silicium à micropistes en fonctionnement, le trajectographe interne (SVT) de l'expérience BABAR.
L'expérience BABAR a pour but d'étudier la violation de la symétrie CP en mesurant une asymétrie, dans le système des mésons neutres B, dépendante du temps. Des collisions électron-positron sont produites dans les anneaux de PEPII à SLAC (Standford Linear Accelerator Center) avec des énergies E
= 9 GeV et E
= 3,109 GeV. L'énergie disponible dans le centre de masse est égale à la masse de
(4S) qui est produit avec un facteur de Lorentz
= 0,56 dans la direction de l'axe du faisceau. Les mésons
et
issus de la décroissance de
(4S) possèdent des temps de vie différents et donc une séparation spatiale moyenne
260
m pour
= 1,55 ps.
Il est crucial que cette séparation soit mesurable car elle permet d'étudier la mesure de l'asymétrie entre
et
en fonction de l'intervalle de temps t = t
- t
/
entre la décroissance d'un B vers un état propre de CP et celle de l'autre méson B vers un état qui permet de déterminer sa saveur (tag). Le terme de violation de CP contribuant à l'asymétrie moyenné sur le temps étant nul, la mesure précise de
est capitale et devient l'objectif majeur du SVT.
Nous ne détaillerons pas les autres systèmes de détection de BABAR [Bab95], c'est à dire ceux qui entourent le SVT. Ils suivent avec les principes énoncés dans le paragraphe précédent et se composent des systèmes suivants (de l'intérieur vers l'extérieur) :
Le SVT (Silicon Vertex Tracker) du détecteur BABAR est composé de 5 couches de détecteurs en silicium qui sont schématiquement représentées sur la figure 1.3. Tous sont des détecteurs double-face mais les dimensions et le nombre de pistes diffèrent,
conduisant à six modèles différents (forme carrée, rectangulaire et trapézoïdale) qui sont nécessaire pour réaliser le SVT. L'arrangement des 340 détecteurs sur les différentes couches est illustré sur la figure 1.4.L'électronique de lecture, montée sur des circuits hybrides, est située aux extrémités des échelles de support des détecteurs, où un système de refroidissement par eau évacue la chaleur produite. Cet ensemble est rejeté hors de l'acceptance géométrique des détecteurs.
Le décalage du SVT par rapport au point de la collision (z=0) du SVT provient de l'énergie différente des faisceaux qui favorisent l'émission de particules vers l'avant (ou vers la droite sur la figure 1.3). De plus, les détecteurs placés en bout d'échelle des couches 4 et 5 sont inclinés afin d'accroître l'angle d'incidence de ces particules.
Nous pouvons déjà individualiser les deux couches les plus externes du SVT de BABAR : elles ont pour objectifs de permettre la reconstruction des traces de faible moment transverse et d'assurer une liaison entre le détecteur gazeux (Drift Chambers) et les couches internes du SVT pour la reconstruction des traces. Elles sont ainsi repoussées à des rayons plus importants (supérieurs à 9 cm).
Les trois couches internes sont situées à des rayons très faibles (inférieurs à 6 cm) et également très resserées entre-elles (dans un interval de 1,3 cm). Cette géométrie assure de pouvoir reconstruire avec précision les vertex primaire et secondaires, et notamment à minimiser l'erreur de mesure sur
(
100
m). L'erreur en position sur la reconstruction des vertex secondaires des mésons B est de l'ordre de 50
m.
Le type d'événement produit dans l'expérience BABAR émet peu de particules chargées (approximativement une dizaine) dans l'état final. Pour le SVT, cela se traduit par un taux d'occupation des détecteurs très faible. Il est ainsi possible de ne pas connecter toutes les pistes des détecteurs en silicium à une voie d'électronique de lecture ou d'effectuer un chaînage entre les pistes de différents détecteurs. La granularité est diminuée tout en gardant quasiment constante la résolution en position.
Le nombre total de voies d'électronique est de 0,1510
pour un nombre total de pistes avoisinant 0,5
10
. En utilisant plusieurs méthodes de connexion électrique entre les pistes et les circuits de lecture (câblage par fil, adaptateur de pas, câbles et connecteurs à hautes densités [Boz00]), ces derniers peuvent être repoussés hors de l'acceptance géométrique des détecteurs. Ce système présente l'avantage de diminuer substanciellement la longueur de radiation du SVT afin de ne pas introduire de phénomènes de diffusion multiple qui dégraderaient les résolutions sur les vertex secondaires et la mesure de
z.
La problématique que nous allons rencontrer pour les trajectographes au silicium utilisés dans les expériences d'ions lourds va être très diférente. Un grand nombre de particules sont émises dans l'état final. Ainsi pour conserver une bonne résolution spatiale dans un tel environnement, la granularité des détecteurs en silicium à micropistes doit être maximale (i.e. relier chaque piste à un canal de lecture).
La figure 1.6 montre un diagramme de phase des différents états de la matière. La phase de plasma peut en théorie apparaître si nous créons
un système situé au delà de la zone de transition : T
Les collisions d'ions lourds relativistes offrent la possibilité de chauffer et de comprimer la matière nucléaire. La température et la densité atteintes dans le système dépendent à la fois de l'énergie et du degré de stopping de ces noyaux [Sat92]. Nous voyons sur le tableau 1.1 que les valeurs de
(densité d'énergie) et de T (température) obtenues au SPS sont proches des limites de la transition de phase. Les expériences du RHIC et du LHC devraient permettre de franchir nettement ces seuils.
Mais même si l'on parvient à produire les conditions thermodynamiques favorables à l'apparition du PQG, la démarche expérimentale nécessaire pour le mettre en évidence se heurtera à de nombreux problèmes : en particulier, la durée de vie et le volume du système crée sont extrêmement faibles. D'autre part, après le refroidissement du système, l'état final observé sera un gaz de hadrons (que le plasma ait ou non été formé). Retrouver l'empreinte du PQG dans cet état final constitue un réel défi ! Un certain nombre de pistes ont été proposées pour ce faire, fondées sur des prédictions théoriques qui montrent que certaines observables (signatures) varient de façon significative suivant que le système est passé ou non, durant son évolution, par la phase PQG.
Le choix d'une l'observable étant arrêté, deux étapes sont nécessaires :
De plus, la mesure et l'analyse de ces observables, demeure hypothétique en raison de la phase de désexcitation (refroidissement du système) subséquente, l'hadronisation. Cette dernière peut masquer voire détruire les caractéristiques des signatures. Ainsi, les signatures les plus prometteuses s'identifient à des observables dont le comportement ne sera à priori pas modifié par des ré-interactions dans la phase hadronique :
Pour une revue exhaustive des signatures du PQG, nous renvoyons aux trois références citées plus haut.
De plus, le spectre en impulsion des particules produites est très large compte-tenu des différents processus de production des particules lors de la collision. Typiquement les valeurs de l'impulsion vont de quelques dizaines de MeV/c jusqu'à une dizaine de GeV/c. Ainsi, il sera nécessaire de pouvoir de détecter et de séparer les différentes particules produites sur la gamme d'impulsion la plus élargie possible.
Deux campagnes d'expériences ont, à partir des années 1980, tenté de mettre en évidence un état déconfiné de la matière. Elles se déroulèrent à L'AGS et au SPS (voir tableau 1.1). Bien qu'aucune preuve indiscutable de la formation d'un plasma n'ait été apportée, les expériences auprès du SPS ont tout de même montré des comportements anormaux de certaines observables, qui tendaient à rejoindre les comportement prédits dans le cas d'un plasma.
Nous avons choisi de décrire dans cette section une expérience dont la thématique principale se situe dans la caractérisation du PQG par l'étude de l'accroissement de la production d'étrangeté. Il s'agit de l'expérience WA97. Nous allons focaliser notre attention sur le dispositif expérimental utilisé en essayant de souligner les technologies employées pour la détection des particules émises dans l'état final.
Les particules émises à la rapidité du centre de masse acquièrent ainsi une impulsion importante et sont concentrées dans un cône : cette caractéristique permet l'utilisation de spectromètres possédant une faible acceptance angulaire. Cependant les luminosités élevées atteintes dans ce mode de collision compensent la faible acceptance géométrique du (ou des) spectromètre(s).
L'expérience que nous allons détailler a pour objectif la détection des (anti-) baryons étranges, dont nous pouvons voir, dans le tableau 1.2, le temps de vie apparent ainsi que la distance de vol (y = 2,91 correspond à la rapidité du centre de masse Pb+Pb à 158 AGeV au SPS).
L'outil de trajectographie est constitué par le télescope en silicium (PTC), placé 60 cm en arrière de la cible. La première partie de ce télescope est constituée de 6 plans de détecteurs en silicium à pixels (50
Un aimant, produisant un champ magnétique de 1,8 Tesla depuis la cible jusqu'au télescope (inclu), courbe les trajectoires des particules chargées. Enfin à 4 mètres de la cible, une série de chambre à fils (Pad Chambers) permet d'obtenir une meilleure résolution en impulsion pour les particules très énergétiques.
Deux parties distinctes peuvent être identifiées dans le télescope. La première partie sert à la reconstruction des traces grâce aux détecteurs à pixels qui peuvent supporter une forte densité de particules par événement. Cette dernière peut dépasser 6 cm, soit plus de 150 particules dans la surface active du détecteur.
Les traces peuvent ainsi être individualisées sans ambiguïté grâce à la granularité (proche de 72000 cellules par plan) des détecteurs à pixels. Cependant les détecteurs en silicium à pixels ne fournissent pas d'information quant à la perte d'énergie, cette tâche incombe aux détecteurs à micropistes. L'identification des particules chargées est ainsi possible.
La deuxième partie du spectromètre, dédiée à l'amélioration de la résolution en moment, est composée par un plan de silicium pixel suivi de cinq plans de silicium à micropistes. Le plan de silicium à pixel permet ici d'assurer l'extrapolation des traces reconstruites dans la première partie du télescope.
Le spectromètre couvre le domaine de rapidité autour du centre de masse (2,4 y
3,4) et un domaine en impulsion transverse allant de 0,6 à 2,5 GeV/c.
Au niveau instrumental, la détection des particules se traduit par l'utilisation d'un spectromètre composé d'un grand nombre de plans de détection mais dont l'acceptance géométrique est faible. Certaines contraintes sur la définition des plans de détection peuvent être relâchées pour les raisons suivantes :
Les hadrons issus de la désintégration des (anti-) hypérons sont reconstruits dans une zone de confiance allant jusqu'à 30 cm de la cible pour les
et jusqu'à 20 cm pour les
et les
.
Les critères d'association sont géométriques, i.e. une distance minimale entre les traces associées. L'utilisation des détecteurs en silicium à pixels permet une bonne précision de reconstruction des traces [Hel96] .
La haute multiplicité des collisions Pb+Pb a été, du point de vue de la reconstruction des traces, résolue par l'utilisation d'un ensemble de détecteurs à pixels et à micropistes. Malgré la faible acceptance géométrique du télescope, une statistique importante a été atteinte. La présentation des résultats de WA97 sortirait du cadre de cette thèse. Cependant cette expérience a clairement mis en évidence l'augmentation de la production d'étrangeté dans les collisions Pb+Pb à 158 AGeV/c [Fin00]. Afin de corréler ces observations à une éventuelle transition de phase, il sera nécessaire de connaître le comportement des taux de production des baryons étranges pour des systèmes intermédiaires (entre p+Pb et Pb+Pb) ainsi qu'à différentes énergies. C'est la thématique de l'expérience NA57 [Man99,Man00].
La nouvelle génération d'expériences lancée dans la recherche du PQG a misé sur l'augmentation de l'énergie disponible dans le centre de masse, et de ce fait l'abandon du mode de collision en cible fixe.
Des expériences dédiées à la Physique des ions lourds ont été installées auprès des collisionneurs RHIC, parmi celles-ci l'expérience STAR que nous allons décrire (les autres expériences du RHIC figurent en Annexe 1), et LHC où doit prendre place l'expérience ALICE (A Large Ion Collider Experiment) qui débutera en 2006 [Ali95].
Le détecteur STAR a été conçu dans le but de mesurer la plupart des particules émises lors des collisions. En mode collisionneur le centre de masse de la collision ne se déplace pas, il devient donc possible de construire un détecteur de grande acceptance angulaire capable de détecter une grande partie des particules créées. Plusieurs signatures sont ainsi accessibles simultanément à l'etude et peuvent être corrélées afin que conclure quant à la formation du plasma.
De plus, les hautes multiplicités attendues ouvrent une voie nouvelle d'analyse événement par événement de certaines observables : il est en effet possible que la formation du plasma ne puisse être formellement mise en évidence que pour certains événements particuliers.
Le passage au mode collisionneur implique néanmoins de nouvelles contraintes pour les systèmes de détection.
La principale différence par rapport aux collisions produites au SPS provient de la rapidité nulle du centre de masse. Ainsi pour couvrir le domaine de rapidité centrale (que l'on approxime par -1
1), l'acceptance en angle polaire doit être grande (140
30
) comme cela est illustré sur la figure 1.2. Par ailleurs, une acceptance azimutale complète permet de détecter une grande partie des particules produites, maximisant ainsi l'information disponible.
Pour cette même raison (y=0), les particules émises à la rapidité du centre de masse n'acquièrent pas d'impulsion supplémentaire : les particules chargées vont donc être très sensibles aux phénomènes de diffusion multiple. Pour les systèmes de détection, cela se traduit par la minimisation de la longueur de radiation.
La rapidité nulle du centre de masse pose également un problème majeur pour la reconstruction des vertex secondaires. Au SPS, le temps de vie des hypérons était multiplié par un facteur 10 lié au facteur de Lorentz (Tab. 1.2) : cette particularité utilisée avec succès par l'expérience WA97 est beaucoup moins prononcée en mode collisionneur. La reconstruction des hypérons ne nécessite pas la précision extrême rencontrée dans le cadre de l'expérience BABAR, leurs distances de décroissance étant comprises, en moyenne, entre 2 et 10 cm. Cela conditionne néanmoins le rayon des couches de détection du trajectographe interne.
De plus, les hautes multiplicités de particules chargées sont une contrainte forte pour le trajectographe interne et requièrent l'utilisation de détecteurs en silicium possédant une granularité élevée.
Le détecteur STAR (Solenoidal Tracker At Rhic), représenté schématiquement sur la figure 1.9 dans sa version finale, est placé l'entrefer d'un aimant qui produit un champ magnétique de 0.5 Tesla parallèle à l'axe du faisceau. Il se compose des détecteurs suivants :
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Les deux détecteurs suivants composent le système de déclenchement de STAR :
Ce détecteur, situé entre la TPC et le SVT, est le cylindre de détecteurs en silicium à micropistes (SSD) dont les objectifs majeurs sont :
Le rayon choisi pour l'emplacement de cette quatrième couche est de 23 cm. Il réalise un compromis entre une situation à mi-distance entre la TPC (60 cm) et le SVT (15 cm) et une zone d'approche minimale du système de dégradation du champ électrique de la TPC. En fonctionnement, la membrane centrale de la TPC est portée à un potentiel de 31 kV.
Afin de conserver une acceptance en rapidité commune avec les autres systèmes de détection, une surface proche de 1 m
est nécessaire. Pour produire une information à deux dimensions (r
,Z) sur le point d'impact de la particule, des détecteurs double-face seront utilisés. La résolution en position souhaitée sur les points d'impact détermine la segmentation du détecteur : une résolution de 20
m peut être obtenue avec un détecteur dont le pas interpistes vaut environ 100
m. La granularité élevée, imposée par la multiplicité de particules, impose des pistes courtes : la longueur choisie est de 4 cm.
Les détecteurs en silicium possèderont donc 768 pistes de 4 cm sur chaque face, le pas entre les pistes étant de 95 m, soit des dimensions de 7,5
4,2 cm
.
Compte-tenu de la surface mentionnée plus haut, cela conduit à un total de proche 500000 micropistes, chacune étant connectée à un canal de lecture propre afin de conserver la granularité du détecteur.
Il apparait ainsi que le SSD de STAR doit jouer un rôle similaire aux couches externes du détecteur de vertex de l'expérience BABAR. Cependant les conditions expérimentales, spécifiques aux collisions d'ions lourds, vont imposer des contraintes particulières sur les détecteurs qui composent le SSD.
Dans le chapitre suivant, nous allons dans un premier temps quantifier les apports de cette couche de détection intermédiaire puis nous détaillerons les technologies développées et employées pour sa réalisation.
En guise de conclusion imagée de ce chapitre introduisant le contexte et la problématique générale de la détection des particules, et en particulier dans la physique des ions lourds, un événement réel reconstruit (Au+Au 130 AGeV/c) dans la TPC de STAR est représenté sur la figure 1.11.
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