Le groupe ALICE/STAR de l'IReS est engagé depuis 1998, dans la conception et la réalisation d'un ensemble de modules de détection utilisant des détecteurs double-face en silicium à micropistes, destiné à équiper le trajectographe interne de STAR. Ce développement s'effectue en collaboration avec le laboratoire SUBATECH (Nantes) et l'Université de Varsovie. Le laboratoire LEPSI (Strasbourg) a également apporté une contribution importante avec le développement de circuits intégrés nécessaires à la lecture des détecteurs.
A l'origine, le dispositif de reconstruction des traces dans la région de rapidité centrale de STAR (
) se composait d'une chambre à projection temporelle (TPC) et d'un trajectographe interne : le SVT (Silicon Vertex Tracker) composé de 3 couches de détecteurs en silicium à dérive. En vue de renforcer ce dispositif, nous avons proposé l'ajout d'une couche supplémentaire de détecteurs en silicium à micropistes (SSD) afin d'améliorer notamment l'efficacité de tracking (reconstruction des traces) et la reconstruction des vertex secondaires de particules étranges (K
,
,
,
). L'ensemble à réaliser correspond à un total de 320 modules. Ce projet a été accepté par la collaboration STAR en 1999.
Les premières prises de données dans STAR, qui ont débuté avec la mise en service du RHIC en juin 2000 (collisions Au+Au à 130 AGeV/c), ont été effectuées avec la TPC comme seul outil de tracking. La nouvelle campagne de prises de données, qui démarrera en juillet 2001 bénéficiera de l'intégration récente du SVT dans STAR. Enfin la complétion du système de tracking s'achèvera avec l'installation et la mise en service du SSD durant l'année 2002.
Le trajectographe interne de STAR, comprenant le SVT et le SSD est représenté en perspective sur la figure 2.1 et en coupe transversale (dans le plan perpendiculaire au faisceau) sur la figure 2.2.
Les trois couches internes qui constituent le SVT représentent chacune un cylindre dont le rayon par rapport à l'axe du faisceau est de 6,7, 10,7 et 14,5 cm respectivement. Le SSD (cylindre externe), placé à 23 cm de l'axe du faisceau, se compose de 20 échelles de support, de forme triangulaire qui maintiennent chacune 16 modules de détection (voir Fig.2.3). Les modules de détection, espacés de 5 mm suivant l'axe Z (axe du faisceau), comprennent chacun un détecteur en silicium de 75
42 mm
possédant 768 micropistes sur chaque face et deux circuits hybrides supportant l'électronique de lecture.
L'acceptance en angle polaire, correspondant au domaine de pseudo-rapidité compris entre
et
est de 113
(entre
et
). Chaque échelle comprend également, à ses extrémités (voir Fig.2.3), les cartes de connexions destinées à la collecte des signaux provenant de chaque module ainsi que les cartes ADC qui convertissent les signaux analogiques en données numériques. Ces cartes font partie du système d'acquisition et de contrôle du SSD qui sera décrit par la suite. Un système de refroidissement par flux d'air (non représenté) permet d'évacuer la chaleur produite par l'électronique de lecture et les cartes connexions et les cartes ADC.
En ce qui concerne la reconstruction des traces, le SSD offre la possibilité d'obtenir un point supplémentaire (par rapport à la configuration SVT + TPC). Chaque couche de détection du trajectographe possède des zones mortes, dues à la géométrie (espace entre les modules de détection) ou à des zones défectueuses ou inactives des détecteurs. En considérant un pourcentage d'inefficacité de détection de 5 % pour chaque couche du trajectographe interne, nous voyons, sur la figure 2.4, que 85,7 % des particules laisseront 3 points (minimum requis pour la reconstruction) dans le SVT et 98,5 % en ajoutant le SSD (Fig.2.4).
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Chaque trace est dans un premier temps reconstituée dans la TPC, qui en raison de son grand volume, permet de collecter jusqu'à 45 coordonnées de points de passage d'une particule. La trace reconstruite est ensuite projetée sur la couche la plus externe du détecteur de vertex, puis vers les couches internes par itération. La présence du SSD diminue cette distance de projection (par-rapport au SVT seul) d'environ 20% et améliore l'efficacité de la procédure. Les différents rayons sont rappelés dans le tableau 2.1 avec, pour chaque système de détection la résolution en position attendue ainsi que la résolution à deux traces. Cette dernière correspond à la distance minimale pour laquelle 2 particules qui traversent le détecteur donnent 2 points d'impacts reconstruits. En dessous de cette distance, les traces de ces particules ne peuvent pas être séparées. Ce paramètre devient évidemment critique lorsque l'on s'approche du centre de la collisi
Avec les possibilités du SSD, le développement d'un nouveau logiciel de reconstruction des traces (EST2.1) pour le trajectographe interne a conduit à une amélioration de l'efficacité de reconstruction des traces primaires de 40 % [SSD99,Pin00]. Pour une grande partie, ces traces primaires supplémentaires sont celles de particules qui ont laissé un point d'impact dans le SSD et deux dans le SVT.
Le nombre de traces secondaires correctement formées augmente de 73% dont 18% sont directement dues au SSD car les particules correspondantes ne laissent qu'un seul point d'impact situé dans la quatrième couche.
Ainsi une amélioration significative a lieu en ce qui concerne la reconstruction des particules étranges : dans ce cas, le vertex secondaire de la désintégration est séparé du vertex primaire de quelques centimètres (voir le tableau 1.2). L'apport en termes de reconstruction est présenté dans le tableau 2.2, extrait de [SSD99]. Des hadrons (,
, K
) ont été générés puis reconstruits pour les deux configurations (avec ou sans le SSD) du détecteur de vertex, un minimum de 3 points est requis pour la reconstruction des produits de décroissance.
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Le quatrième point fourni par le SSD aura aussi un effet très important dans la reconstruction des particules de faible impulsion transverse qui n'atteignent pas la TPC (p
150 Mev/c). Pour des impulsions transverses p
200 Mev/c, l'efficacité de reconstruction des traces devient très faible (
40%) avec un fort taux de mauvaises associations entre les traces de la TPC et les points du trajectographe interne.
L'identification des particules profite de la mesure supplémentaire donnée par le SSD par rapport à la configuration avec le SVT seul.
En utilisant la méthode de la moyenne tronquée2.2, la largeur de la distribution normalisée de la perte d'énergie passe
= 12% à
= 10%. Cette estimation doit cependant être affinée.
La résolution relative en impulsion,
, pour ces particules est améliorée, et passe de 18 % (3 points, SVT) à 14 % (4 points, SVT + SDD) [Roy00].
En résumé, le SSD améliore de façon significative les performances du trajectographe interne. Il augmente l'efficacité de reconstruction des particules de basse impulsion transverse ainsi que la détermination de leur impulsion. Le taux de reconstruction pour les particules étranges est également accru. Pour conclure cette introduction du SSD, nous apporterons trois dernières remarques :
Le détecteur en silicium, Fig. 2.6, constitue la partie sensible, aux particules chargées, du module de détection. La surface active est circonscrite à l'intérieur des anneaux de polarisation situés (pour chaque face) à 1 mm du bord du détecteur.
Le substrat de silicium (volume du détecteur) est de 300
La précision sur la position déterminée dépend, au premier ordre, de la segmentation du détecteur, i.e. la distance entre chaque piste (95 ). La résolution attendue est de l'ordre de 20
sur chaque face. Cependant, le faible angle stéréoscopique de 35 mrad implique une résolution très différente après le passage dans le repère global de STAR. Les résolutions en position attendues dans les directions X et Z sont respectivement
=15
m et
=850
m. Le choix de la distance entre les pistes (pitch) résulte du compromis entre la résolution en position désirée et le nombre de canaux nécessaires pour la lecture.
La résolution en énergie dépend principalement de deux facteurs : le signal (paires électron-trou) créé et le bruit du détecteur. A une énergie donnée, une particule incidente crée une quantité de charge qui fluctue selon une distribution de Landau, à laquelle il faut rajouter la contribution du bruit individuel de chaque piste et de l'électronique de lecture.
Le tableau 2.3 résume les caractéristiques géométriques énoncées précédemment.
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Les détecteurs en silicium à micropistes double-face ne sont pas réellement des détecteurs bidimensionnels, exception faite du cas où une particule unique traverse le détecteur. Si deux particules, ou plus, interagissent dans le détecteur, des particules dites fantômes peuvent apparaître.
Cette situation s'explique ainsi : la présence de pistes sur les faces p et n permet de déterminer deux coordonnées (x,z). Pour deux particules, nous obtenons les coordonnées x, x
et z
, z
mais nous ne pouvons pas, à priori, déterminer l'association correcte entre les couples x
et z
possibles (une particule dite fantôme provient de la mauvaise association des coordonnées x et z). Cette situation est illustrée schématiquement dans le paragraphe suivant.
Le problème des particules fantômes n'existe pas dans les détecteurs en silicium à pixels, ou à dérive, pour lesquels une réelle segmentation en deux dimensions est réalisée.
Dans le cas des détecteurs à pixels, une cellule élémentaire de surface x
z est définie dans le substrat de silicium. Pour les détecteurs à dérive, le principe est sensiblement identique : une première segmentation spatiale du substrat est réalisée par des implantations (p
ou n
selon le type de substrat) définissant une cellule
x. La seconde segmentation (
z) est temporelle, elle est définie par le temps de dérive des électrons vers une électrode de collection (qui physiquement est la cellule spatiale
x) et par la fréquence d'échantillonnage de l'électronique de lecture. Pour les détecteurs à dérive du SVT de STAR :
x = 250
, c'est le pas entre les implantations et
z = 240
qui correspond à une distance de dérive de 3 cm divisée par 128 échantillonages en temps. Ces détecteurs sont donc particulièrement adaptés pour être utilisés dans un environneme
Cependant, ces types de détecteur sont d'une technologie plus complexe pour un coût de production plus élevé. Les détecteurs à pixels demandent également un grand nombre de voies de lecture en raison de leur importante segmentation. La surface de détection nécessaire (1,0 m), déterminée par le rayon du cylindre SSD et l'acceptance en rapidité, plaide en faveur des détecteurs à micropistes dont le coût est plus faible. La localisation plus externe (rayon = 23 cm) du cylindre SSD va de paire avec un taux d'occupation plus faible qui autorise l'utilisation de tels détecteurs.
Nous allons voir maintenant qu'il est possible de résoudre, en partie, les problèmes liés aux particules fantômes dans les détecteurs à micropistes double-face.
Un angle stéréoscopique
L'angle stéréoscopique est une variable spécifique des détecteurs double-face. Il correspond à l'angle entre les pistes des deux faces du détecteur. Le choix de cet angle repose sur deux caractéristiques évoluant en sens inverse : la résolution en position dans la direction Z (axe du faisceau) et la séparation géométrique des points d'impact ambigus.
8.5cmDe plus, d'un point de vue purement technique, la configuration à 90 degrés implique l'utilisation de la double métallisation sur l'une des faces pour rediriger les signaux vers le même bord du détecteur que sur l'autre face. Ainsi, l'ajout de masques pour la fabrication du détecteur, l'ambiguïté des signaux ainsi que l'augmentation de la capacité d'entrée d'une voie en sont les contraintes majeures [Hus94].
Une multiplicité moyenne par détecteur de 8 particules constitue la limite supérieure dans le cadre de STAR; soit 8 points d'impact à retrouver parmi 64 possibles dans le cas le plus défavorable. Il devient donc capital de diminuer le nombre de pistes en recouvrement géométrique, et ce en jouant sur la valeur de l'angle stéréoscopique. Après simulation, le choix s'est porté sur un angle égal à 35 mrad, [SSD99]. Cette valeur se traduit géométriquement de la manière suivante : une piste quelconque sur l'une des faces est en regard avec 15 pistes de la face opposée. Ceci permet de réduire le nombre de situations ambigues à 10 %.
Inévitablement les résolutions en position sont affectées. Nous allons estimer quantitativement ceci en prenant le cas de la résolution digitale (limite supérieure à la résolution en position). Au moyen de l'équation 3.34 déterminée dans le chapitre 3, nous pouvons estimer les résolutions attendues dans le repère STAR, soit
m et
m.
Une dégradation substantielle de la résolution dans la direction parallèle au faisceau apparait comme la contrepartie du choix d'un angle stéréoscopique faible.
Cependant, c'est le rayon de courbure de la trace projetée dans le plan transverse qui permet de déterminer l'impulsion transverse. La résolution en r
est prépondérante.
La corrélation de charge
L'utilisation d'un faible angle stéréoscopique tout en présentant l'avantage de diminuer le nombre de particules fantômes dans le détecteur laisse subsister néanmoins des cas ambigus. Nous allons donc utiliser la corrélation de charge, spécifique aux détecteurs double-face, pour traiter ces derniers.
La corrélation de charge est basée sur le fait qu'une particule qui traverse le détecteur crée des électrons et des trous en nombres égaux : ces charges dérivent et induisent un courant sur les pistes des faces p (i) et n (i
). Après la reconstruction du signal, nous retrouvons les quantités de charges créées Q
et Q
additionnées d'une charge équivalente de bruit spécifique à chaque piste du détecteur.
Dans le cas ambigu à deux particules, il est possible de déterminer la configuration de points d'impact la plus probable en comparant les charges (Q1, Q1
et Q2
, Q2
).
Ce traitement est schématiquement représenté sur la figure 2.7.
Nous voyons sur ce schéma le cas ambigu où deux particules traversent le détecteur dans une zone géométrique restreinte, impliquant deux configurations possibles pour les points reconstruits.
La lecture des charges collectées sur les pistes des détecteurs en silicium est assurée par le circuit ALICE128C. Il possède 128 voies analogiques ayant pour fonctions premières les tâches suivantes :
Les intensités atteintes pour les faisceaux d'ions lourds sont relativement faibles (comparées à celles atteintes pour des protons ou électrons) conduisant, en mode collisionneur à une luminosité
atteinte au RHIC pour le système Or sur Or (
). Pour l'expérience STAR, le taux d'acquisition est de 2-3 (10-15) Hz pour les événements centraux (non-centraux ou minimum-bias).
Ainsi un temps de mise en forme du signal pour une voie d'électronique de l'ordre de la microseconde peut être utilisé pour la lecture des pistes du SSD.
La haute granularité des détecteurs en silicium (sur chaque face 768 pistes espacées de 95 ) est adaptée aux multiplicités élevées de particules attendues. Dans ce contexte, il est nécessaire de connecter chacune des pistes du détecteur à une voie d'électronique de lecture, soit un total proche de 0,5
10
canaux de lecture. Il devient capital devant un tel nombre de canaux de minimiser la puissance dissipée par chaque voie; cette valeur est inférieure à 400
par canal pour le circuit ALICE128C2.4. Cette caractéristique est particulièrement importante dans STAR où un refroidissement par flux d'air est utilisé. Moins efficace à dissiper la chaleur qu'un refroidissement par eau, il présente néanmoins l'avantage de réduire la longueur de radiation de ce système.
Le SSD doit également être en mesure de traiter le cas de particules déposant une grande quantité de charge dans le détecteur. Cette contrainte est renforcée par l'utilisation du SSD dans la reconstruction des particules de faible impulsion transverse (typiquement inférieure à 150 MeV/c) qui n'atteignent pas la TPC de STAR, l'ensemble SVT+SSD devient alors l'unique outil de trajectographie. Le circuit ALICE128C offre en réponse une large gamme dynamique d'entrée qui couvre
13 MIPs (domaine de linéarité de la chaîne d'amplification). Cette valeur correspond à la charge moyenne déposée dans 300
m de silicium par un pion (proton) d'impulsion p = 35 MeV/c (120 Mev/c).
De plus, d'un point de vue général, le bruit d'un canal doit être rendu le plus petit possible afin d'optimiser la reconstruction du signal dans les détecteurs. Une fréquence de lecture élevée est nécessaire afin de lire les signaux des pistes en un temps minimal. La fréquence de lecture maximale du circuit ALICE128C est de 10 MHz, la charge équivalente de bruit d'un canal de lecture est inférieure à 400 électrons.
Les autres caractéristiques, et notamment les fonctionnalités du circuit sont détaillées dans la section 3.3, et notamment le système de contrôle numérique qui permet d'accéder à toutes les fonctionnalités.
Une électronique flottante
Un détecteur en silicium double-face nécessite pour son fonctionnement d'être soumis à une différence de potentiel V, d'environ 50 volts, appliquée entre les faces p et n (la face n étant portée au potentiel V
). La lecture du signal collecté sur les pistes est effectuée à travers un couplage capacitif. Nous pourrions donc théoriquement ne pas nous soucier de la différence de potentiel présente entre l'électronique de lecture de la face n (0 volt) et les pistes du détecteur (
V
). En pratique, la présence de capacités de couplage défectueuses, préconise l'utilisation d'une électronique flottante.
Nous avons donc choisi de fixer la masse de l'électronique de lecture de la face n à la tension de polarisation, V, du détecteur : elle est dite flottante à la tension V
. La différence de potentiel existant entre la piste et l'électronique de lecture se réduit simplement à la chute de tension dans la résistance de polarisation de la piste, soit une tension comprise entre 5 et 10 volts.
Cette méthode réclame l'utilisation ultérieure d'un dispositif électronique supplémentaire (coupleur opto-électronique) afin de ramener les signaux de la face n, de la masse flottante à V
vers une masse à 0 volts. Cette translation de niveau est effectuée après la numérisation des données par les cartes ADC, dans le but de minimiser le bruit ajouté par l'opto-coupleur.
L'acquisition des données du SSD débute par la lecture des charges collectées sur les pistes, au moyen du circuit ALICE128C. Les données des 16 modules de détection de chaque échelle sont ensuite regroupées au niveau des cartes de connexion puis numérisées par les cartes ADC, comme cela est illustré sur la figure 2.8. Pour une échelle, l'une des cartes de connexion est dédiée aux données provenant des 16 faces n, l'autre aux données des faces p (idem pour les 2 cartes ADC). Les données, sous forme digitale, sont ensuite transférées vers les cartes d'acquisition à travers une ligne optique.
Le système d'acquisition de données (DAQ) prend en charge le traitement des données et effectue les opérations suivantes :
Le système de contrôle [Bon99] permet d'initialiser et de surveiller les composants actifs du SSD (circuits de lecture et détecteurs). Ce système utilise le protocole de communication JTAG, il commande la phase d'initialisation et permet de choisir le mode de fonctionnement de l'électronique de lecture (calibration et prise de données) en accord avec le système de déclenchement.
Un circuit de contrôle, le COSTAR (COntrol STAR), localisé sur les hybrides, permet de mesurer localement la température, les courants consommés par le détecteur, et les tensions d'alimentation de l'électronique de lecture.
Nous avons, à travers la description des composants d'un module de détection, montré comment ces derniers satisfont à la problématique de la détection des particules pour le SSD. Nous allons maintenant présenter la solution technique innovante qui permet de résoudre un problème majeur pour un ensemble de détecteurs à micropistes de cette dimension : la connectique.
D'une manière générale, la technique classique de câblage par fil (wire-bonding) est utilisée de manière extensive dans le cadre de la connexion électrique des composants actifs des modules de détection. Dans le cas particulier des détecteurs en silicium segmentés (à micropistes ou à dérive), ce type de connexion permet d'assurer les liaisons électriques entre les pistes du détecteur et l'électronique de lecture ainsi que la connexion de cette électronique de lecture vers les cartes qui véhiculent les différents signaux. Cependant l'utilisation du câblage par fil impose de sévères contraintes sur le design du module de détection. En effet, les deux parties reliées électriquement par le fil (bond) doivent être solidaires et relativement proches l'une de l'autre (des grandeurs numériques sont données en Annexe 2). Pour le SSD de STAR, ces contraintes deviennent incompatibles avec les problèmes d'intégration et de refroidissement. Nous avons du recourir à la solution du Tape Automated Bonding, le TAB.
Les avantages offerts par le TAB sont :
Dans le câblage classique par fil (wire-bonding), un fil conducteur (
20
de diamètre) raccorde les deux points à relier électriquement. La fixation du fil est réalisé par soudure ultrasonique. Pour un détecteur en silicium à micropistes
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La connexion proprement dite s'effectue par un procédé classique thermosonique (chauffage + ultrasons) en superposant les pistes du ruban aux plots de connexion présents sur le circuit dans un premier temps. Le circuit est ensuite testé intégralement (cf. section 4.2). Finalement, ce circuit est connecté aux pistes d'un détecteur et au circuit hybride.
Le circuit de lecture, après connexion au ruban TAB, devient un objet près à être connecté aux autres éléments. La solidité mécanique de l'ensemble des 128 pistes de cuivre regroupées sur le ruban de kapton offre la possibilité remarquable d'être flexible et résistant. Nous allons décrire dans le paragraphe suivant comment cette particularité est exploitée dans le cadre des modules de détection du SSD de STAR.
Le TAB sert également d'adaptateur de pas : les pistes du détecteur en silicium, espacées de 95 , doivent être connectées aux entrées analogiques du circuit ALICE128C qui ne sont séparées que de 44
. Cependant les pistes gravées sur le ruban TAB ne peuvent pas être trop proches (distance minimale de l'ordre de 80
m) sans poser le problème des court-circuits. La topologie particulière des pistes du ruban TAB (droites ou courbées) permet de réaliser l'adaptation du pas tout en gardant une distance de 88
m entre chaque piste gravée sur le ruban.
La figure 2.10 illustre l'arrangement des pistes du ruban.
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Un module compact, Fig. 2.11, est obtenu après le repliage des circuit hybrides sur le détecteur. Le collage des raidisseurs (colle silicon amorphe) assure la solidarité de l'ensemble (détecteur + hybrides) pour sa fixation ultérieure sur les échelles de support en carbone. Cette conception du module n'est, en grande partie, possible que par l'utilisation du TAB. Le câblage par fil devient très complexe si les connexions à effectuer se situent sur deux plans différents.
Nous voyons que la surface totale du module de détection n'est que très peu supérieure à la surface du détecteur en silicium : cela permet de minimiser le recouvrement des modules tout en gardant un couverture angulaire complète.
La compacité du module a également résolu les problèmes d'intégration des échelles du SSD entre le SVT et la TPC, où très peu d'espace restait disponible. Un configuration dans laquelle l'électronique de lecture serait coplanaire au détecteur n'était pas envisageable : la surface du module de détection aurait, dans ce cas, été bien supérieure à la surface active du détecteur en silicium. L'encombrement minimal obtenu pour les modules de détection est l'un des avantages majeurs apporté par le TAB.
Pour l'ensemble du SSD, i.e. les 320 modules de détection, le nombre total de connexions à effectuer se décompose de la manière suivante :
Dans le cadre du SSD de STAR, le TAB constitue la solution idéale d'une part pour réaliser la connexion des détecteurs et d'autre pour obtenir un module compact satisfaisant aux contraintes de la détection des particules (couverture angulaire) et d'intégration. Dans l'expérience ALICE, un procédé de connexion équivalent sera également utilisé pour les deux couches externes du trajectographe interne composées de détecteurs en silicium à micropistes [Ali99]. La différence majeure étant le passage à une technologie aluminium pour les pistes du ruban, afin de minimiser la longueur de radiation.
Nous allons décrire dans les chapitres suivants les différentes étapes qui ont conduit à la réalisation d'un module de détection complet.
Nous allons présenter dans le chapitre 3 les tests mis en uvre pour caractériser les différents composants du module. Nous rappellerons tout d'abord les principes de base des détecteurs en silicium avant de décrire les principaux aspects distinctifs de ceux que nous utiliserons pour le SSD. Nous décrirons également l'électronique de lecture, le circuit ALICE128C.
L'utilisation de la connexion par TAB, était une inconnue dans le cadre des détecteurs en silicium à micropistes. Nous avons donc dû valider cette méthode de connexion par l'analyse des premiers modules de détection assemblés.
Ces modules ont également été testé sous faisceau afin d'extraire leur résolution en position et en énergie. Nous verrons que les performances obtenues coïncident tout à fait à nos attentes.
La dernière partie sera consacrée aux tests d'irradiation des détecteurs en silicium et du circuit de lecture afin d'évaluer les dégradations de leurs performances en fonction de la dose reçue.
Le chapitre 4 est le point de départ de la production du SSD. Cette phase est incontournable afin de qualifier les composants (détecteurs en silicium, électronique de lecture) avant leur assemblage. Cette étape permet d'implémenter une base de données regroupant toutes les informations indispensables pour les détecteurs (tension de désertion, nombre de pistes inactives...) et pour l'électronique (canaux opérationnels, gains...). Nous aurons ainsi la possiblité d'estimer, à priori, les performances attendues des modules de détection.